samedi

_ histoire d'A.



Comme si on ne l'avait pas assez fait. Je devrais être rodée, et me conduire comme il faut : je n'ai jamais été foutue d'être une fille comme il faut. C'est seulement le début, mais déjà, j'imagine les étapes.

Je vais d'abord me morfondre. Repasser nos adieux, nos retrouvailles, en boucle dans ma tête. Revoir chaque instant de nous pour me donner de l'espoir, et rager de ne pas pouvoir être près de toi. Je vais maudire les distances et les aléas qui nous séparent, je vais souhaiter me réveiller chaque matin avec ton sourire.
Puis je vais me faire à ton absence. Je vais finir par me dire que ce qu'on me répète a un sens, je vais croire en ta nocivité. Ce sera le temps du grand ménage, et je foutrais certainement un ou deux trucs au feu. Je me maudirais de t'avoir laissé un vêtement, un objet, "en souvenir de moi" et passerais mes nerfs sur tout ce qui te représente.
Enfin, j'irais chercher ailleurs quelque chose qui vaut mieux que toi, qui n'a pas ton goût ni ton odeur. Et je me bercerais d'une douce illusion : celle d'avoir choisi mon chemin.

On a déjà fait ça tant de fois. Je sais maintenant qu'on ne choisira plus : j'en crèverais toujours de ne pas t'écrire toutes les minutes, j'en crèverais toujours de dormir seule, de me réveiller dans le vide, dans les crampes, et de rêver de ton corps toutes les nuits. J'en crèverais d'en caresser d'autres qui n'auront pas ta saveur, et qui fondront fadement. J'en crèverais d'avoir le ventre vide, et la gorge pleine d'amour, prête à exploser.

Alors tu reviendras. Et il faudra être digne, faire comme si j'étais mieux sans toi. Sans tes blagues, sans tes rêves, sans tes projets. Comme si j'étais mieux dans le silence laissé par la mort de ton rire, comme si j'étais mieux une fois débarrassée de tes yeux, de tes mains sur moi. Comme si j'avais trouvé de quoi remplacer ton courage, ta fougue, ton impétuosité et ton originalité.



J'en crèverais toujours, de ne pas me réveiller dans ta chaleur et ton sourire, avec l'odeur des croissants chauds.