vendredi

Trouamilcébo


Les enfants, quand vous lirez cet article, vous serez peut-être le 3 000ème visiteur des Conditions du Conflit.
Pour l'occasion, je vous offrirais bien quelque chose de chic et de fonctionnel comme un épluche-légume, mais je sais que vous êtes bien au-dessus de ça ! Contrairement à moi, par exemple. Rapport à ma taille. Vous comprendrez.

3 000 ça fait beaucoup, surtout pour un petit blog qui ne provoque pas de rébellion, qui ne vous donne aucune recette de cuisine valable et qui n'est même pas toujours drôle. Je vous avoue que je voulais profiter des vacances pour écrire plein d'articles, sur plein de beaux sujets, mais comme avec le taff je suis aussi essorée que la salade dans vos Sub 30, je n'ai pas eu le temps. Alors, pour fêter les 3 000 visites du blog, je vous réserve trois surprises ! Des remerciement, une info en or et un concours improbable.


Déjà, je vais remercier tous ceux qui ont répondu présent à mon appel aux scientifiques pour mon projet de pute bionique du futur : ça m'a fait très plaisir d'avoir vos messages, même si je n'ai pas expliqué mon projet à chacun d'entre vous ! Il doit encore mûrir ...

VOS COMMENTAIRES ME FONT CECI

Mais de manière général, quand vous postez des commentaires, ça me fait chaud au coeur ! J'aimerais vous voir plus souvent. Et je me demandais si vous n'aviez pas des idées de génie. Je suis sûre que vous en avez plein, des thèmes d'articles, des défis à relever, alors cet été je suis toute à vous ! Ordonnez, j'obéis, et je suis certaine que de vos cerveaux complexes et bien huilés sortiront des merveilles.

Maintenant, pour pas non plus partir dans tous les sens, je vais centrer cet article sur un peu de culture, et sur le titre du blog : Les conditions du conflit. Vous êtes nombreux, très nombreux à ne PAS avoir posé la seule et unique question valable, à savoir : qu'est-ce que c'est que ce foutu titre. Alors je me dis que vous savez peut-être. Ou alors que vous n'êtes simplement pas curieux, mais je serais très déçue. Très, très déçue ...

J'ai démarré ce blog en septembre 2012, alors que j'entais en L3 de Socio et de Science Po à Lyon, après m'être usé les yeux sur Balzac et Villon en Khâgne. Il est de notoriété public qu' Anouck Champignon (moi-même) ouvre un nouveau blog tous les ans, en septembre, pour marquer le renouveau que symbolise la nouvelle rentrée. Ainsi ai-je ouvert "Hyposteak" lors de mon arrivée en prépa, "Entre les Genoux" pour la deuxième année, et avant, il y en a eu tant d'autres ! "Citseko", "Not a Blog", et pour les plus vieux, "No Dying Day" et "Link You"... 

HOW TO MAKE A BLOG
L'idée, c'est que chaque année, démarrer quelque chose de nouveau me semble tellement excitant que ça justifie un blog, selon mon système de valeur : le blog a alors une vague thématique, puis s’essouffle pour être remplacé en septembre prochain. Mais je vous annonce (pour ceux qui me suivent depuis "Tigerlily Grubb of Little Delving" et qui en ont ras les cacahuètes) que ce ne sera pas le cas pour Les Conditions du Conflit !

Vous avez bien entendu, ce blog survivra à ses grands frères et restera actif en septembre prochain. Les anciens articles ne seront pas supprimés, sauf si leur lecture vous donne vraiment des boutons.

Le titre vient d'une pièce de théâtre, "Art" de Yasmina Reza, dont je suis en train de lire un roman brillant, "Heureux les heureux". Cette femme est exceptionnelle, elle a une façon de décortiquer les rapports humains avec la férocité et la sensualité d'une lionne. C'est extraordinaire, si vous n'avez rien lu d'elle je vous conseille "Art" pour débuter. C'est l'histoire de trois potes, Serge, Yvan et Marc, qui s’apprêtent à se retrouver le temps d'une soirée. Mais Serge a fait une drôle d'acquisition : un tableau blanc, entièrement blanc, qui lui a coûté 20 000 franc. Le tableau suscite questions, suspicions, interrogations, puis très vite, angoisses et rages. Sur la toile vide, les trois hommes laissent exprimer leurs terreurs respectives.

C'est un magnifique tableau (haha) des relations d'amitié, plus précisément masculines mais pour moi le thème reste universel. L'amitié, donc, ou en tout cas les semblants d'amitié, mais aussi la fatigue de la 40aine, la peur du vide, et la peur de l'art : l'art de plus en plus blanc, de moins en moins clair...

CECI EST BEAU !!
Bref, Reza nous dit tout. Et je vous donne ici l'extrait qui a inspiré le titre de mon blog, et qui se situe au climax de la pièce.
Peut-être que l'ambiance ne rend pas bien, là, comme ça, mais tout est caustique, tout est précis, en restant très naturel et très oral ! Il faut voir Arditi, Vaneck et Luchini s'emparer de ça et le transcender. Les rôles ont été écris pour eux, figurez-vous, et quand on les voit jouer, ça prend tout son sens.


Yvan : Je vous fous la soirée en l'air, moi, moi je vous fous la soirée en l'air?
Marc : Oui, oui, ne t'excites pas.
Yvan : C'est moi qui fous la soirée en l'air?
Serge : Tu vas le répéter combien de fois?
Yvan : Attendez, attendez, répondez-moi, c'est moi qui fous la soirée en l'air?
Marc : Tu arrives avec trois quarts d'heure de retard, tu ne t'excuses pas, tu nous saoules avec tes pépins domestiques ...
Serge : Et ta présence veule, ta présence de spectateur veule et neutre nous entraîne Marc et moi dans les pires excès. Parce que sur ce point, je suis entièrement d'accord avec lui. Tu crées les conditions du conflit.
Marc : Et cette mièvre et subalterne voix de la raison que tu essayes de faire entendre depuis ton arrivée est intenable.
Yvan : Vous savez que je peux pleurer, là. Je suis capable de pleurer, là.


Et le hasard fait bien les choses, puisque c'est grâce à un autre extrait de cette même pièce que j'ai réussi l'audition de la Scène sur Saône, mon école de théâtre dans laquelle j'entre en septembre, pour suivre une formation professionnelle d'Art Dramatique ...
Cette même pièce sur laquelle je suis tombée à l'oral du bac lors de l'épreuve de Français ...
Vous comprenez à quel point je suis attachée à Reza, et à "Art" !!


Oh et puis, je viens de penser à un truc : la vie c'est quand même mieux avec un épluche légume. Alors, lecteur, si tu revendique le titre de 3 000ème visiteur, et que j'aime tes arguments, alors ma plume sera à ton service ! Remporte la couronne du Trouamilcébo, et alors je te rédige ce que tu veux. Une dissertation, un poème, une chanson, un article, une déclaration d'amour... Du suspens, de la passion, de l'ironie, de l'érotisme, demande moi tout et je t'exauces ! 

... tu as bien compris, lecteur, que je n'ai aucun moyen de savoir qui sera vraiment LE 3000ème visiteur, alors plus ton projet est fifou, plus il est mothafuck et plus tu as des chances de le voir réaliser !!

Vos idées les plus folles seront classées, ordonnées, et réalisées avec amour .


Jamais comme on veut




"   Tu m'écris, il pleut à Montréal
Tu me dis, dis que je t'ai fait du mal
Je te lis, il neige à Paris
Le monde tourne à l'envers ces temps ci

Je sais qu'j'suis parti en coup d'vent
Et que ça ne t'a pas plu
Que je n'ai pas pris le temps
Le temps de te dire salut
Mais les amours sont mortes
C'est trop tard, j'ai franchi la porte

Et toi tu pleurs comme une madeleine
Et moi je suis triste comme les pierres
Je sais, je t'ai fais de la peine
Mais y a pas de bonnes manières
Pour se dire Adieu
Ça se passe jamais comme on veut  "
Paris / MontréalLes Cowboys Fringuants

Juillet.
Moins 5. L'amitié a bon dos.
Moins 4. L'amour s'installe sans qu'on fasse gaffe.
Moins 3. Les quatre heures de train Annecy-Marseille font peur.
Moins 2. T'es parti pour de bon.
Moins 1. T'es revenu pour de bon.
Juillet : il n'y avait pas de bonne manière pour se dire adieu.

Je pensais que ce serait long, une vie sans toi. En fait, j'ai plus assez d'amertume pour être méchante, ni même assez pour être triste : les choses et les gens ont tout emporté. Bien sûr, il reste quelques non-dits, quelques reproches encore que j'aimerais te faire, maintenant que je suis guérie. Mais ce que je vois, c'est qu'on a fait une longue route ensemble, et qu'on s'en est super bien sortie. Tu prendrais ton air triste et tu dirais arrêtes, avec le mal qu'on s'est fait. Mais avec le recul, il ne reste que les bonnes choses : elles survivent au reste.

Supertramp, je sais pas si t'as réussi à amasser de belles choses au dessus des merdes qu'on s'est créé, au dessus des angoisses et des nuits sans sommeil qu'on s'est donné parce qu'on a été trop cons. Mais je l'espère. Parce que pour moi, plus le temps passe, plus je crois que notre amour d'ados était beau, était vrai, et mérite de rester un souvenir agréable. Je crois que si ça a raté, c'est qu'on était pas fait pour être adultes ensemble. Non, nous on était fait pour avoir 16 ans, 17 ans, pour dormir à la belle étoile en rêvant d'un voyage en Inde, pour s'offrir des babioles colorées, pour croire qu'on pouvait faire un monde à nous où la musique serait la seule loi à respecter. Pour Into the Wild, V pour Vendetta, les révolutions d'enfants.

Je sais que cette idée est un peu vieillotte, mais peut-être qu'elle va te plaire. En tout cas, elle m'aide à me dire que ça pouvait pas coller, qu'on était un peu trop vieux pour s'aimer encore comme ça. Que maintenant, les rêves deviennent concrets et qu'on a besoin d'autres gens pour les partager. Peut-être des gens qui les ont rêvés, eux aussi, allongés dans l'herbe, les doigts pointés sur les nuages en disant "Promis, je t'emmène là-haut, prends ta guitare et quelques bières et ça nous suffira, ça nous suffira". C'était bien, de faire tout ça avec toi. De partir pour de vrai, aussi, un peu, pas assez.

Voilà comment j'y pense. On était fait pour être ados ensemble, et on s'est rendus heureux : maintenant on a vieilli. Oui, 20 ans c'est pas grand chose, mais c'est déjà ... plus pareil. J'ai pas besoin de te l'expliquer, de toute manière, tu l'as compris bien avant moi. Alors ouais, même si t'es pas là, je continue de t'écrire, quand j'essaye de penser aux amours de jeunesse, quand je veux faire une histoire attendrissante ou bien quand je tombe sur les Cowboys Fringuants. Je continue, parce que notre amour est mort, et parce que c'est pas forcément quelque chose de sombre et de terrifiant, c'est aussi quelque chose de simple sur lequel on peut chanter.

La seule chose que je regrette, c'est que tu me répondes jamais, Supertramp. T'es le seul qui sait pas ce que j'ai dans le coeur, j'avoue que ça me peine. C'est qu'on puisse pas donner une belle fin à cette histoire, qu'on puisse pas bricoler un semblant d'amitié derrière ça. Je sais même pas si c'est parce que t'as mal, parce que t'as peur, parce que tu t'en fous ou parce que tu ne comprends pas. Alors peut-être que si tu passes par là, tu finiras par comprendre.

Quoi te dire? J'ai grandi. Pas trop, non plus, faut pas exagérer, mais en tout cas : j'ai compris. J'ai compris que t'étais la bonne personne à aimer entre mes 15 et mes 20 ans, que je me suis pas trompé. Mais au delà, c'était pas possible. Alors, maintenant, je lis la suite du livre : j'aime ce qu'il faut aimer entre les 20 et les 25 ans, sans trop penser à ce qui vient après. Sans trop penser qu'un jour il va falloir trouver la seule, la bonne, l'unique personne et que ça va être galère. Qu'on va en voir, toi et moi, des déceptions avant d'arriver à ce qu'on veut vraiment. Mais on va découvrir des tonnes de choses, des tonnes de facettes de l'amour et des alentours, et ça aussi, c'est une aventure.

J'te souhaite bonne chance, j'ai envie que tu trouves. Que tu tombes sur des filles bien, qui arrivent à te comprendre, qui t'aiment pour toi tout en entier, qui te fascinent et qui te donnent confiance. Peut-être même que t'en as trouvé une, là, en ce moment, et alors profites-en bien surtout.

J'espère qu'un jour, tu vas répondre, Supertramp. En plus, tu te sentirais con si tu me croisais par hasard, tu saurais pas comment t'y prendre. Tout ce que je peux faire, c'est laisser cette porte-là ouverte. Que oui, je trouve ça nul que tu m'ai pas dis toi-même que tu voulais couper les ponts, que oui, ça m'a énervé d'apprendre ça par quelqu'un d'autre, comme si t'étais pas capable de m'affronter. Que oui, je t'en ai voulu, beaucoup, pour ne pas avoir respecté les termes du "contrat" qu'on s'était fixé. Mais on a une occasion, une occasion en or d'être zen, de laisser ça derrière nous et peut-être même de bien s'entendre.

Allez, la Force est avec toi.


dimanche

L'expérience Subway !




Vous aussi, vous aimez aller à Subway pour pouvoir personnaliser entièrement votre sandwich. Ah, le doux parfum des pains au Parmesan & Origan, à l'Avoine et au Miel, ces belles tranches de bacon et de dinde fumée, ces poulets en sauces épicées, ces légumes frais ... Sans parler des savoureux cookies aux noix de macadamia et aux framboises !


Je suis sure que vous mettez vos sales doigts gras sur la vitre, bande d'enculés. 

Et oui, j'ai testé pour vous et rien que pour vous l'Expérience Subway !

Je viens d'être reçue dans une école de théâtre, et comme vous le savez ...

... ah non, vous allez pas me refaire ce coup-là, vous savez très bien qu'avant de faire toutes ces CONNERIES sur internet, je suis comédienne, moi ! Mais si, je vous assure, bordel de merde.

Donc, je viens d'être reçue dans une école de théâtre, et je paye une partie des frais ! Alors, pour faire comme dans les films américains, je travaille à Subway et je fais des sandwichs. Je suis une sorte de Mary-Jane Watson, en fait. C'est un cliché que j'adore, ça, la meuf qui enfile un tablier en rêvant de mourir sur scène, c'est merveilleux. Complètement cheated comme concept, mais merveilleux.


Qui ose dire que je ne suis pas crédible en Fée Sandwich ?!
Enfin, à Subway, on fait pas que faire des sandwichs. Sérieusement, c'est la première fois de ma vie que je bosse dans un fast food, je pensais que j'allais faire-des-sanwichs point à la ligne. Tu rigoles. Déjà, la caisse enregistreuse, c'est ma pire ennemie. Après, à l'ouverture et à la fermeture du resto, c'est juste la panique. Passer d'une chambre froide à l'autre, mettre des bidules dans des machins en oubliant surtout pas, ici, et là, tes initiales et la date, pense à l'étiquette, le four, les pains, non attends mets des gants pour celui-là, là tu comptes ceux-là et tu divises... Des chiffres, des chiffres, des chiffres. Vérifier sans arrêt que tout est bien allumé, ou éteint, ou fermé, ou à sa place.

Le rush de midi.
Et puis, nettoyer. Partout, et tout le temps, mais attention ! Y'a genre, quatre produits de lavage et quatre lingettes différentes. Surtout pas se planter. Ah non, ça ... surtout pas ... Et quand il s'agit de laver la salle, alors là. On découvre que les gens ne savent pas manger. Bon, bien sûr, le plus rigolo, c'est faire des sandwichs, sauf quand on a du mal à apprendre les recettes par coeur. Et oui, toi, petit con, qui demande un Italien BMT, tu ne sais PAS que je ne sais PAS ce que c'est qu'un BMT, et tu ne peux pas simplement dire que tu aimerais 4 jambon 6 salami 6 pepperonni car tu ne sais PAS vraiment ce qu'est un BMT. Voilà, toi-même tu ne sais pas. 

Et tu ne sais pas non plus que quand je te demande quels légumes tu veux, j'en ai rien à foutre des olives et des poivrons. Moi j'attends "salade". Parce que c'est ce que je mets en premier, "salade", bon sang, tant que tu dis pas "salade" je peux rien faire et j'attends comme une greluche. Mais je reconnais que c'est avec les sandwichs qu'on peut faire les meilleurs bourdes. Comme se tromper de sauce, et faire un regard de chien battu en disant "vous voulez que je vous le refasse?". Comme se tromper dans la caisse et offrir boissons et desserts à deux clients. Comme jeter un Steak&Cheese par terre, pour faire joli. Comme se prendre la porte du - AÏE !


Let's spread milk as love.
Enfin.
J'avoue que j'adore ce job. Déjà, parce que j'aime beaucoup Subway, et je continue d'aimer même en sachant d'où vient ce qui est sur le comptoir. Ensuite, sérieusement, se faire son propre sandwich, c'est génial : personne ne me fera jamais de sandwich aussi bon que ceux que je me prépare. Et puis, ça oblige à rester dynamique, à faire des choses dont je n'ai pas l'habitude dans mes études de rat de bibliothèque : être tout le temps debout, courir, compter, être agile et précise, ne pas crier quand on se brûle ou quand on se coupe...

Juste, les amis, la prochaine fois que vous allez à Subway, ne mettez pas vos doigts sur la vitre. C'est gentil.
Et si vous êtes d'Annecy, venez me dire un petit bonjour !

J'ai une casquette très, très sexy. 



jeudi

Doors wide shut (cheaters only)


Y'a deux catégories de personnes.
... hahaha !
Non, sérieusement. Ceux qui ferment les portes, ceux qui ouvrent les portes.


Je veux bien croire qu'il faut "de la mesure en toute chose" mais parfois, le manichéisme nous rattrape, on y peut rien. Vous n'avez qu'à mieux regarder la vie, au lieu de faire des réflexions ridicules. Je vous parle des petites portes qui se trouvent entre les zones du cerveau, et un peu partout dans le corps, et qu'on fait grincer pour mieux se concentrer, pour avoir moins peur ou pour oublier.



Fermer la porte, tourner la page, mettre de côté ou mettre dans une case, milles et unes expressions pour exprimer tout ce qu'on avorte, tout ce qu'on planque et qui continue de grandir à l'intérieur. On est de drôles d'animaux, à ne rien vouloir laisser sortir, à vouloir tout garder en soi dans une pudeur ridicule et maladive. Ne pas dire qu'on a peur, ne pas dire qu'on a mal, et ne pas dire qu'on aime, surtout.


Des petites portes, donc. Bien utile, tu le sais, tu t'en sers souvent, et moi aussi, alors je ne vais pas le nier. Comme souvent, la première personne qui m'a parlé des petites portes, c'est ma Maman. Pour m'expliquer que parfois, on pense que les gens sont de notre côté, mais qu'ils sont malfaisants, et qu'il faut s'empêcher de se faire du mal. Alors on les mets dehors, et on pousse le loquet. On est en sécurité. Et ma Maman, elle est très finaude, elle avait bien compris qu'avec mon coeur d’artichaut et mes poings en mousse, j'allais avoir besoin de huiler les gonds de toutes les vannes en fonction dans ma tête de piaf.


Voilà, comme ça.

A nos âges ... oui, quand je dis "à nos âges", je parle des 20-25 à peu près. Donc, à nos âges, quand on a fini de faire nos adolescents et qu'on se calme un peu, on a deux sortes de personnes : les gens qui ferment, et les gens qui ne savent pas fermer. Les gens qui ferment sont souvent super zen, avec beaucoup d'aplomb, très catégorique : si un truc ne va pas, zou, direct à la benne à ordure. Un pote fait un coup de pute? Slam the door. Une nana qui se casse? Slam the door. Le père qui pète un boulon? Slam the door. Sur les déceptions, sur les souffrances, sur les morts, aussi. Sur les morts, surtout. Parce qu'après tout, il faut avancer, et on peut pas rester là à chialer. Parce que c'est plus facile avec les vannes fermées.

Puis t'as les autres. Peut-être qu'ils font semblant, ou peut-être qu'ils essayent vraiment, mais y'a comme un problème. Peut-être une courroie mal fixée, j'en sais rien, mais impossible de refermer. Tout s'engouffre, c'est l'invasion. C'est toujours difficile pour eux de dire "adieu", et même "au revoir" c'est pas facile; ils essayent toujours de réparer, d'arranger, de reprendre contact ou d'être en paix avec ce qui se passe à l'intérieur, vu que rien ne peut sortir. Pas faute d'essayer. Aucune protection, ou alors parfois, comme un sursaut, une sorte d'instinct qui les conserve et les maintient quand même en vie.


Vu qu'on est sur mon blog, comme d'habitude, c'est de moi que je vous parle. Un peu, au moins. Moi, donc, et mon incapacité à fermer les portes. Je voudrais bien dire que c'est un choix, de garder ma maison ouverte, d'y inviter tout le voisinage, de faire à bouffer pour 500 et tout nettoyer derrière. Quand y'a plus de place, il faut construire un nouvel étage, un garage, creuser un souterrain, déplorer des trésors d'inventivités pour agrandir l'espace.

Le point commun entre moi, qui ouvre, et toi, qui ferme, c'est qu'on est fatigués.
Maintenir tous les verrous en place, c'est aussi crevant que de devoir rajouter un étage. Quand on a tout refermé sur soi, plus personne ne rentre, mais c'est pas forcément une bonne chose : parfois, les gens ont envie de venir faire un tour. Même si c'est pas longtemps, juste se sentir plus proche de toi, un peu moins loin. Et moi, parfois, j'aimerais bien être toute seule, dans un coin de vide, sans un million de bibelots bariolés et bruyants.

Encore une fois, y'a pas de bonne manière de faire. 

J'ai bien essayé de me dire que c'était un choix, donc. Mais j'ai finalement du me rendre à l'évidence : il y a des aspects de soi qu'on ne choisi pas. Quand au bout de plusieurs intrusions indésirables, je suis allée jeter un oeil aux battants de portes, j'ai bien vu que c'était fichu. L'avantage, quand on laisse tout ouvert, c'est que plein de gens très sympas vous donnent un coup de main. Plein de gens adorables, pleins de bonnes intentions, qui ont voulu m'aider à passer le trop plein par les fenêtres, à chacun sa technique : un peu de méditation, un peu de sport, lit donc ce livre, parle-moi, pense à autre chose, concentre-toi sur le travail, essaye de l'écrire, boit donc un coup. Pendant que je me repose, ils prennent des pelles, et foutent le bordel dans le champ du voisin.

Mais ça marche pas. Si vous lisez ce blog, il vous suffit de quelques articles, vous savez que ça ne marche pas. Et le pire, c'est que, j'ai dis "intrusions indésirables", mais la plupart du temps, vous avez invité les emmerdes chez vous. En leur disant de ne pas oublier le pack de 6.

C'est pour ça que j'admire ces gens qui arrivent à s'enfermer à double tour ! 
Très sérieusement, je les admire.

Mais en même temps ... bah, comme je l'ai dis : on ne décide pas toujours de soi. Alors il faut bien apprendre à s'aimer un peu. Moi, pour m'aimer, ce que je me dis, c'est qu'au final, à force de fermer toutes les portes, on se refuse des aventures.

Des tas de choses géniales arrivent quand on finit par s'ouvrir un peu. Quand on se force à sortir, quand on se force à filer un coup de main, ou à essayer de comprendre. Et ça peut être trois fois rien, ça peut aller d'un film qu'on vous conseille à un pote qui vous demande du fric, j'en sais rien. Parfois, vous soupirez, vous dîtes oui, vous ouvrez grand les portes. Et il se passe des choses magnifiques.

Déjà, y'a des moments géniaux. Camper au bord d'une route. Finir la soirée avec des gens qu'on a redécouvert. Hurler de rire. Puis, y'a des choses plus fortes : mieux se connaître, ou mieux connaître un bout de soi. Apprécier quelqu'un de nouveau. Pardonner. S'excuser, aussi. Se faire un ami, un vrai. Apprendre quelque chose de captivant et de déterminant. Prendre une décision importante. Aider. Et puis, aimer, aussi, forcément.

Moi, j'ai souvent peur. Peur d'aimer, surtout, on sait où ça mène toutes ces conneries. Mais si vraiment je me braquais, je serais une trouillarde finit. Je ne serais pas une aventurière. Et -oh putain- être une aventurière, c'est tellement excitant. 

Donc, pour faire la paix avec ce qui se passe dans mon crâne, et pour me donner la sensation que c'est moi qui ai fait mon choix, je regarde ceux qui ferment, et je leur demande :

" Elle ressemble à quoi, la vie à double tour? C'est quand, la dernière fois que vous avez pris un risque? "

Prendre des risques...
Si c'était à ma porte que Gandalf avait frappé, en me disant : " Eh, Anouck, ça te dit de prendre le risque de te faire éviscérer et / ou carboniser par un putain de dragon géant ? " je pense que j'aurais dit oui. Alors, une histoire d'amour, à côté de ça, est-ce que c'est si effrayant?

Et à chaque fois que je me balade au milieu des courants d'air, je pense à tous les risques que j'ai pris en laissant entrer chez moi des gens et des choses improbables. Aussi improbables et inattendus que tous les héros de tous les films, de tous les romans que j'adore. Au final, tant pis s'il faut douiller pendant deux ou trois chapitres. Y'aura forcément des morts, des blessés, des drames, des choses monstrueuses et absolument dramatiques : des trahisons, des disputes, des éloignements, des incompréhensions, des injustices... tout ce qui fait les bons films, tout ce qui fait les bons romans.


Les choses inattendues et les choses improbables sont remplies d'une énergie presque mystique, incroyablement forte : ça peut vous exploser à la tronche, ça peut vous rendre heureux. Ce sera peut-être juste une égratignure, et ce sera peut-être juste 5 minutes, 10 minutes de bonheur.

Laisser les portes ouvertes, c'est tout prendre.
Au sens que tu veux.

Tout. Prendre.


... même un peu de lait qui danse.

http://www.youtube.com/watch?v=oyVJsg0XIIk