vendredi

Jamais comme on veut




"   Tu m'écris, il pleut à Montréal
Tu me dis, dis que je t'ai fait du mal
Je te lis, il neige à Paris
Le monde tourne à l'envers ces temps ci

Je sais qu'j'suis parti en coup d'vent
Et que ça ne t'a pas plu
Que je n'ai pas pris le temps
Le temps de te dire salut
Mais les amours sont mortes
C'est trop tard, j'ai franchi la porte

Et toi tu pleurs comme une madeleine
Et moi je suis triste comme les pierres
Je sais, je t'ai fais de la peine
Mais y a pas de bonnes manières
Pour se dire Adieu
Ça se passe jamais comme on veut  "
Paris / MontréalLes Cowboys Fringuants

Juillet.
Moins 5. L'amitié a bon dos.
Moins 4. L'amour s'installe sans qu'on fasse gaffe.
Moins 3. Les quatre heures de train Annecy-Marseille font peur.
Moins 2. T'es parti pour de bon.
Moins 1. T'es revenu pour de bon.
Juillet : il n'y avait pas de bonne manière pour se dire adieu.

Je pensais que ce serait long, une vie sans toi. En fait, j'ai plus assez d'amertume pour être méchante, ni même assez pour être triste : les choses et les gens ont tout emporté. Bien sûr, il reste quelques non-dits, quelques reproches encore que j'aimerais te faire, maintenant que je suis guérie. Mais ce que je vois, c'est qu'on a fait une longue route ensemble, et qu'on s'en est super bien sortie. Tu prendrais ton air triste et tu dirais arrêtes, avec le mal qu'on s'est fait. Mais avec le recul, il ne reste que les bonnes choses : elles survivent au reste.

Supertramp, je sais pas si t'as réussi à amasser de belles choses au dessus des merdes qu'on s'est créé, au dessus des angoisses et des nuits sans sommeil qu'on s'est donné parce qu'on a été trop cons. Mais je l'espère. Parce que pour moi, plus le temps passe, plus je crois que notre amour d'ados était beau, était vrai, et mérite de rester un souvenir agréable. Je crois que si ça a raté, c'est qu'on était pas fait pour être adultes ensemble. Non, nous on était fait pour avoir 16 ans, 17 ans, pour dormir à la belle étoile en rêvant d'un voyage en Inde, pour s'offrir des babioles colorées, pour croire qu'on pouvait faire un monde à nous où la musique serait la seule loi à respecter. Pour Into the Wild, V pour Vendetta, les révolutions d'enfants.

Je sais que cette idée est un peu vieillotte, mais peut-être qu'elle va te plaire. En tout cas, elle m'aide à me dire que ça pouvait pas coller, qu'on était un peu trop vieux pour s'aimer encore comme ça. Que maintenant, les rêves deviennent concrets et qu'on a besoin d'autres gens pour les partager. Peut-être des gens qui les ont rêvés, eux aussi, allongés dans l'herbe, les doigts pointés sur les nuages en disant "Promis, je t'emmène là-haut, prends ta guitare et quelques bières et ça nous suffira, ça nous suffira". C'était bien, de faire tout ça avec toi. De partir pour de vrai, aussi, un peu, pas assez.

Voilà comment j'y pense. On était fait pour être ados ensemble, et on s'est rendus heureux : maintenant on a vieilli. Oui, 20 ans c'est pas grand chose, mais c'est déjà ... plus pareil. J'ai pas besoin de te l'expliquer, de toute manière, tu l'as compris bien avant moi. Alors ouais, même si t'es pas là, je continue de t'écrire, quand j'essaye de penser aux amours de jeunesse, quand je veux faire une histoire attendrissante ou bien quand je tombe sur les Cowboys Fringuants. Je continue, parce que notre amour est mort, et parce que c'est pas forcément quelque chose de sombre et de terrifiant, c'est aussi quelque chose de simple sur lequel on peut chanter.

La seule chose que je regrette, c'est que tu me répondes jamais, Supertramp. T'es le seul qui sait pas ce que j'ai dans le coeur, j'avoue que ça me peine. C'est qu'on puisse pas donner une belle fin à cette histoire, qu'on puisse pas bricoler un semblant d'amitié derrière ça. Je sais même pas si c'est parce que t'as mal, parce que t'as peur, parce que tu t'en fous ou parce que tu ne comprends pas. Alors peut-être que si tu passes par là, tu finiras par comprendre.

Quoi te dire? J'ai grandi. Pas trop, non plus, faut pas exagérer, mais en tout cas : j'ai compris. J'ai compris que t'étais la bonne personne à aimer entre mes 15 et mes 20 ans, que je me suis pas trompé. Mais au delà, c'était pas possible. Alors, maintenant, je lis la suite du livre : j'aime ce qu'il faut aimer entre les 20 et les 25 ans, sans trop penser à ce qui vient après. Sans trop penser qu'un jour il va falloir trouver la seule, la bonne, l'unique personne et que ça va être galère. Qu'on va en voir, toi et moi, des déceptions avant d'arriver à ce qu'on veut vraiment. Mais on va découvrir des tonnes de choses, des tonnes de facettes de l'amour et des alentours, et ça aussi, c'est une aventure.

J'te souhaite bonne chance, j'ai envie que tu trouves. Que tu tombes sur des filles bien, qui arrivent à te comprendre, qui t'aiment pour toi tout en entier, qui te fascinent et qui te donnent confiance. Peut-être même que t'en as trouvé une, là, en ce moment, et alors profites-en bien surtout.

J'espère qu'un jour, tu vas répondre, Supertramp. En plus, tu te sentirais con si tu me croisais par hasard, tu saurais pas comment t'y prendre. Tout ce que je peux faire, c'est laisser cette porte-là ouverte. Que oui, je trouve ça nul que tu m'ai pas dis toi-même que tu voulais couper les ponts, que oui, ça m'a énervé d'apprendre ça par quelqu'un d'autre, comme si t'étais pas capable de m'affronter. Que oui, je t'en ai voulu, beaucoup, pour ne pas avoir respecté les termes du "contrat" qu'on s'était fixé. Mais on a une occasion, une occasion en or d'être zen, de laisser ça derrière nous et peut-être même de bien s'entendre.

Allez, la Force est avec toi.


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