lundi

Un conte moderne (1)



COURS DE LITTÉRATURE

THÈME DU JOUR : L'UNIVERS DU CONTE
Corrigé de l'exercice du 19/11

Intitulé de l'exercice : rédigez un conte moderne pour adulte. Vous vous appuierez sur les codes du conte pour enfant et des contes philosophiques / fables que nous avons vu en cours, afin de proposer une courte histoire mettant en scène des personnages modernes. Le but de l'exercice est de valider vos capacités de rédaction et d'imagination.

COPIE N°6 :

https://twitter.com/mathieu_m/status/269827518125703170/photo/1

Conte moderne
J'ai 5 ans, je m'appelle Kevin. J'ai vu papa déguisé en Drag Queen au défilé de la Gay Pride.
J'ai vu papa qui m'a adopté se pacser avec un homme et l'embrasser sur la bouche devant Monsieur le Maire. Cette nuit, réveillé par un cauchemar, je suis entré avec mes petits chaussons dans la chambre de papa et j'ai vu papa 1 sodomiser papa 2. Expliquez-moi, Monsieur Hollande, à quoi ça sert les filles? "



CORRIGE DE LA COPIE
Vous avez compris l'intérêt de l'exercice, mais vous n'avez pas respecté la consigne de la modernité, et c'est bien dommage. Essayons de reprendre ensemble les points de votre récit qui mériteraient d'être revus et corrigés.

1) votre personnage principal
Vous avez saisi l'intérêt de choisir un enfant jeune, d'apparence innocente, et de le faire s'exprimer dans un style épuré, et c'est intéressant. Cependant, le choix de l'âge et du prénom de sont pas cohérent : en effet, le prénom "Kevin" a connu une grande popularité dans les années 90 / 2000, mais a connu une baisse considérable, qui le porte aujourd'hui dans les prénoms les moins donnés aux enfants nés ces 5 dernières années. De plus, par son détournement fréquent sur les réseaux sociaux, "le Kevin" est une figure récurrentes de blagues moqueuses. Choisir un tel prénom pour votre héros dé-crédibilise d'avance votre personnage, or le but était bien de créer un conte original et moderne, c'est à dire, apprécié de vos lecteurs contemporains.

En suite, l'âge de votre personnage semble mal choisi. L'utilisation d'un vocabulaire très spécifique en matière de mobilisations collective, de genre et de sexualité, n'est pas adapté à un enfant de 5 ans : les termes de drag queen, l'évocation de la Gay Pride ainsi que la pratique de la sodomie réponde bien à notre problématique "moderne", mais il semble un peu difficile pour un jeune enfant d'avoir pleine conscience de ses termes. En effet, même si la Gay Pride est un évènement politique connu de tous, les enfants ne semblent pas s'y intéresser. De plus, les adultes qui y participent la considèrent comme une manifestation responsable, et n'y instrumentalisent pas leurs enfants : on ne voit donc jamais d'enfants dans les Gay Prides, sauf des pré-ado déjà engagés et/ou concernés par les questions d'égalité des familles.

2) votre point de vue sur le genre
Nous allons continuer avec un autre terme, celui de Drag Queen. Comme nous venons de le dire, il est peu probable qu'un enfant de 5 ans connaisse et emploie ce terme en toute connaissance de cause. Ainsi, l'utilisation de ce terme dé-crédibilise le traumatisme que votre personnage semble vivre, à la vue de son père déguisé. Une formule plus épurée, moins genrée, aurait été la bienvenue pour décrire cette situation. Vous avancez ici un pré-supposé délicat, qui est qu'un homosexuel est un drag queen ... Nous ne sommes pas ici pour donner des cours de genre, mais tout de même, cette idée est très surfaite.

La question finale adressée au prédisent est une bonne idée, car elle permet de renouer avec un contexte actuel et politique, sous une forme enfantine et poétique. Mais la place de la femme dans votre conte est à revoir... Les deux instances de socialisations primaires étant la famille et l'école, il faut se rappeler que si, en effet, si un certain nombre d'enfants n'ont pas vraiment conscience du genre opposé lorsqu'ils sont petits (pas de frère/soeur), il le découvre dès l'entrée en école primaire. Ainsi, votre personnage ne peut pas se poser une telle question.

Pour finir, la formulation est archaïque et insultante, car elle induit une notion, une nécessité "d'utilité" pour un genre. La femme serait donc un objet d'utilité qui servirait à ... eh bien, à vous de nous le dire. Vraisemblablement, la femme aurait empêché son enfant de la découvrir nue, au lit avec un homme. Or, beaucoup d'enfants ont trompés la vigilance de leurs parents, les découvrant nus et/ou en train de faire l'amour : que le couple soit hétéro ou homo, une discussion pédagogique et, admettons-le, un peu délicate, s'impose alors.

3) votre intrigue
Nous allons conclure ce commentaire sur la faiblesse de votre intrigue, qui se base sur trois évènements incohérents. Tout d'abord, le déguisement : comme nous l'avons annoncé, la participation d'un adulte à une manifestation politique ne se fait ni sous le regard, ni sous la conscience d'un enfant. Cette participation est la liberté de chacun, et n'influence les choix politiques et l'équilibre de l'enfant que si elle fait l'objet d'une forte sensibilisation (ce qui ici, n'est pas le cas : l'enfant ne participe pas à la manifestation, elle ne fait pas l'objet d'une discussion ni d'un discours moralisateur).

Le mariage à la mairie : lorsque deux personnes se pacsent ou s'épousent, cela implique un contact et une entente (ou non) avec les enfants du conjoint. Votre situation ici n'est pas claire : s'agit-il d'un enfant adopté par un père célibataire, qui épouse ensuite son nouveau conjoint? S'agit-il d'un enfant adopté par deux pères? S'agit-il d'un enfant d'un ancien mariage rompu? On ne sait pas vraiment... Toujours est-il qu'un enfant qui voit son père ou sa mère épouser une autre personne ne peut pas, et ne doit pas considérer le conjoint comme un étranger. La question est ici une question d'éducation et de famille, non une question de sexualité : le petit garçon pourrait être tout aussi perturbé que son père embrasse "une dame" devant "Monsieur le Maire".

La nuit du cauchemar : il faut vraiment que vous travailliez votre style, qui est un peu lourd... La pratique sexuelle de la sodomie n'est pas vraiment à la portée de la compréhension d'un enfant de 5 ans. Si le traumatisme créé par la vision d'un acte sexuel est réel (et vous le montrez bien), il n'est en rien déterminé par une orientation sexuelle. Vous nous décrivez ici un enfant choqué par un acte sexuel, mais pas un enfant choqué par un acte homosexuel, et il semblerait que votre propos était le second. Vous échouez donc dans votre démonstration. Ensuite, dans un cas de famille recomposée, où l'enfant côtoie le nouveau conjoint de son père/sa mère, il n'y a pas de noms chiffrés : personne, au 21ème siècle, n'appellent ses parents Papa 1 et Papa 2. Votre propos est complètement hors-sujet. La sodomie n'appartient d'ailleurs pas aux homosexuels, mais à toute la communauté des êtres sexués. Le petit Kevin aura certainement beaucoup de plaisir à sodomiser une de ses futures camarades quand il en aura l'âge, cela n'en fait pas un démon. Quoi que ...

4) conclusion
Le petit Kevin dont vous nous contez l'histoire n'est pas un fils d'homosexuels, mais un enfant malheureux, qui souffre d'un manque de communication avec ses parents : si son père se pacse avec un autre homme sans lui en parler, et s'il n'est pas capable de poser un verrou sur sa porte, alors effectivement, ce n'est pas un papa formidable. Mais le petit Kevin aurait-il été plus choqué de voir son papa sodomiser sa maman?
L'enfant est le fruit d'un amour : si aujourd'hui, certains enfants se sentent rejetés, sont terrifiés par l'avenir, cela est du à une mauvaise éducation. L'éducation n'est pas genrée ni sexuée, elle n'appartient ni aux hommes ni aux femmes, ni aux couples gays ni hétéros.

Pour conclure, même si vous avez compris l'intérêt de l'exercice, votre conte n'est pas un conte moderne, car il utilise des codes erronés de la société actuelle. Dressons la liste :  propos sexistes, propos discriminants à l'égard des Drag Queen et de la communauté LGBT dans son ensemble, diabolisation d'une manifestation politique qui prône l'amour et l'égalité, diabolisation d'un acte sexuel, vision archaïque de la famille, personnage fade et sans relief, intrigue sans intérêt.

Enfin, pour me faire plaisir, j'ajouterais une réponse à votre question finale : à quoi ça sert, les filles? Et bien, les filles, mon petit Kevin, ça sert à te sucer le gland, à faire la vaisselle, à repasser tes chemises, à se prendre des bites dans les fesses et à jouir comme des grosses salopes. Voilà. Maintenant, va faire tes devoirs, mon fils.


NOTE : 0,5 / 20

Je vous invite à lire la copie qui a eu la meilleure note à cet exercice, et qui sera très prochainement mise en ligne. En attendant, vous pouvez si vous le souhaitez, reprendre votre conte et m'en retourner une version corrigée, un peu moins homophobes et sexiste.



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